Contexte

L’intérêt d’un appareil photo reflex, c’est que vous pouvez changer l’objectif, pour mettre un grand angle, un téléobjectif, une focale fixe, etc. Mais pourquoi existe-t-il des objectifs si différents, parfois à la même focale? Pourquoi un Canon 85mm ƒ/1,8 coûte 300 euros alors qu’un 85mm ƒ/1,2 va dépasser les 2000 euros? C’est non seulement la qualité des lentilles qui change, mais c’est surtout l’ouverture, le petit chiffre derrière le “ƒ/”.

Définition

Dans chaque objectif, il y a ce qu’on appelle le diaphragme. Tout ce dont on a parlé avant (obturateur, capteur, etc.) est dans l’appareil photo, alors que le diaphragme est lui dans l’objectif. Il s’ouvre plus ou moins pour laisser passer de la lumière. Plus il est ouvert, plus la lumière passe. Il faut noter qu’on l’exprime en inverse de la quantité de lumière qui passe: un objectif qui ouvre à ƒ/2 est plus lumineux qu’un objectif qui ouvre à ƒ/8! L’ouverture maximale est ƒ/1, et à cette ouverture, la lumière est maximale (on peut descendre encore, mais les effets sont différents). Voilà un petit schéma du diaphragme, ouvert (à gauche) et de plus en plus fermé (droite)

Comprendre l’ouverture

Vous l’aurez compris, plus l’objectif est ouvert, plus il est lumineux. Comment quantifie-t-on l’ouverture? En général, on utilise un système qui part de ƒ/1, et qui va ensuite par pallier de √2 (égal à 1,4 en gros). Ca donne donc: ƒ/1, ƒ/1,4, ƒ/2, ƒ/2,8, ƒ/4, ƒ/5,6, ƒ/8, ƒ/11, ƒ/16, ƒ/22, ƒ/32, etc. A chaque fois que l’on franchit un pallier, la quantité de lumière est divisée par deux. Un objectif que l’on met à ƒ/5,6 au lieu de ƒ/4 fait donc passer deux fois moins de lumière. Sur les appareil photos comme les reflex numérique, on peut régler l’ouverture en mode “Priorité ouverture” (Av chez Canon).

Les contraintes physiques

Vous aurez imaginé que si on doit ouvrir à fond un diaphragme, il faut que la qualité des optiques soit extraordinaire et que les lentilles soient très grandes. Plus l’ouverture est grande, plus l’objectif est gros et lourd, pour une même focale. Ainsi, le 50 ƒ/1,8 pèse 130 grammes alors que le 50 ƒ/1,2 pèse plus de 500 grammes (sans parler de la différence de prix, de un à dix). De plus, sur un zoom, il est difficile de garder une ouverture constante, alors l’ouverture diminue souvent quand on zoom. Chez Canon, le 18-55 de base passe ainsi de ƒ/3,5 quand on l’utilise à 18mm à ƒ/5,6 à 55mm. C’est comme-ça sur la plupart des zooms bas et moyen de gamme. Ci-dessous la différence entre un 85 ƒ/1,8 (à gauche) et un 85 ƒ/1,2 (à droite)

Alors, quelle influence sur les photos? Une influence énorme.

La profondeur de champ

C’est un paramètre fondamental. La règle est simple: plus vous avez un objectif ouvert, plus la profondeur de champ est fine. C’est-à-dire que plus l’objectif est ouvert, et plus la zone qui est nette sur l’image est fine. Voilà donc comment on fait des portraits avec un arrière-plan flou (ce qu’on appelle le bokeh). Ouvrir à fond la diaphragme, permet d’isoler les sujets. Si vous fermez votre objectif à ƒ/8 pour un portrait, vous aurez une grande zone nette, et l’arrière plan sera probablement net. Pas terrible pour mettre en valeur le sujet! Alors que si vous êtes à ƒ/1,8, là, seul le sujet est net, tout le reste et flou, la photo est parfaite.

Voilà un exemple: observez comment à grande ouverture le fond est flou, alors que quand l’on ferme, tout devient net. A ƒ/1,4, on voit le tube de médicament, on peut éventuellement deviner le fond. A ƒ/16, au contraire, on distingue parfaitement la table sur laquelle le tube est posé; de même pour le canapé derrière, que l’on voit parfaitement.

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Cela pose évidemment des problèmes: il faut une mise au point parfaite sur les objectifs qui sont très ouverts, car le moindre décalage rend la photo floue. De même, si le sujet n’est pas de face et que vous êtes près, vous pouvez avoir des résultats pas terrible (un oeil net, l’autre flou).

La grande ouverture, c’est tout l’intérêt des focales fixes: aucun zoom n’ouvre autant qu’une focale fixe. Le zoom le plus ouvert du monde, chez Canon, est à ƒ/2,8, les focales fixes les plus ouvertes descendent elles à ƒ/1,2, voire ƒ/1. Les photographes qui font du portrait ont donc une grande gammes de focales fixes, comme le 35 ƒ/1,4, le 50 ƒ/1,2, le 85 ƒ/1,2 ou encore le 135 ƒ/2.

La qualité de l’image

Au contraire, plus l’ouverture est grande, plus la qualité générale de l’image est dégradée. En particulier, quand l’objectif est très ouvert, la qualité de l’image sur les bords peut devenir réellement exécrable. Le même sujet, même si la mise au point est parfaite, sera toujours plus net à plus faible ouverture. Pour une qualité optimale, il vaut mieux fermer. Ainsi, en studio, même si l’on fait du portrait, on ferme en général à ƒ/16 pour avoir la qualité la plus élevée possible. Voilà un exemple: essayez de lire le texte dans les deux situations. C’est bien plus facile à ƒ/2,8!

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Seuls les meilleurs objectifs permettent de réconcilier ces deux paramètres: faible profondeur de champ et qualité d’image des zones nettes.

Le vignettage

C’est un autre problème qui peut apparaître: quand on ouvre à fond un objectif, les bords de l’objectif peuvent faire baisser la luminosité des coins de l’image. Les coins deviennent alors plus sombres, et l’uniformité de l’image est mise à mal. Ce n’est pas un problème pour un portrait (parfois c’est très beau), mais c’est beaucoup plus problématique en paysage (le ciel change de couleur d’un coin à l’autre de la photo!). Voilà un exemple:

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Quelle ouverture pour quelle utilisation?

Évidemment, vous pouvez utiliser les autres paramètres: temps de pose et sensibilité. Mais dans certains cas, vous n’avez pas le choix: il faut une grande ouverture en soirée par exemple. Il y a tellement peu de lumière, qu’on ne va pas se priver des quelques photos qui acceptent de venir sur notre capteur en fermant le diaphragme. Le reste du temps, ça dépend de ce que vous voulez: en paysage, vous n’utiliserez jamais l’objectif à une plus grande ouverture que ƒ/5,6, car vous cherchez la meilleure qualité d’image possible, et une grande uniformité de l’image. En portrait, au contraire, vous voudrez probablement isoler le sujet de son environnement, et il faudra ouvrir… Voici un exemple d’un portrait ouvert à fond:

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Le fond a disparu. Même son épaule, à quelques dizaines de centimètres, est totalement floue. Seul le regard attire les yeux. C’est l’intérêt de la grande ouverture. Et l’on voit aussi ses travers: sur cette photo, seul l’oeil au second plan est net; le premier est flou, et heureusement caché par une mèche de cheveux.

Je pense que je ferai un peu plus tard un article de récap’ pour expliquer comment il faut penser ces paramètres les uns par rapport aux autres, mais vous avez de bonnes bases déjà :)